En 2019, 56[1] pays prévoient encore la peine de mort comme moyen de condamnation dans leur système judiciaire. Il est inadmissible que des États détiennent le droit de retirer la vie d’un individu quelles qu’en soient les circonstances. La peine de mort constitue un châtiment irréversible par conséquent intolérable, dont l’abolition doit être universelle et définitive.

La peine capitale est marquée par son caractère discriminatoire : elle ne touche que les plus vulnérables. Le profil type d’un condamné à mort est celui d’un homme issu d’une classe défavorisée, d’une minorité ethnique ou religieuse[2]. En 2015, les hommes représentaient en effet plus de 95% des personnes condamnées à mort et exécutées dans le monde. Cependant, près de 500[3] femmes seraient actuellement dans les couloirs de la mort et tout autant vulnérables. « Pour moi, tout espoir est perdu car il n’y a personne pour payer mes frais de justice afin que mon affaire passe à l’audience » a déclaré une femme en attente de son exécution à Maroua.[4] La problématique des femmes face à la peine de mort est réelle et néanmoins, très peu abordée et étudiée.

Au même titre que des hommes, des femmes se retrouvent dans le couloir de la mort pour avoir commis un “crime grave” à savoir l’homicide volontaire. Par ailleurs, la plupart des femmes condamnées le sont pour cette raison[5]. Ôter la vie d’une femme, quelque soit son crime, est injustifiable. De plus, le passé de la condamnée et les circonstances du meurtre ne sont pas pris en compte dans la plupart des jugements. Noura Hussein, âgée de 19 ans, dans le couloir de la mort depuis 1 an, est l’exemple même de l’injustice des condamnations. Mariée de force à 16 ans, elle refuse tout rapport sexuel avec son époux et est violée collectivement par son mari et ses cousins. Elle est condamnée à mort le 24 mai 2018 pour avoir commis le meurtre “prémédité” de son mari lors d’une ultime tentative de viol.[6]

Il apparaît que certaines femmes sont exécutées uniquement à cause de leur identité sexuelle. Le meurtre commis par la femme découle souvent de violences sexuelles, subies dans des contextes intracommunautaires, de mariage forcé ou d’inceste.[7] Les femmes, constamment discriminées à cause de leur genre, subissent une décision plus qu’arbitraire due à leur sexe lorsqu’elles sont jugées, surtout lors de la condamnation à la peine capitale. Des femmes ont été exécutées sur la base d’infractions liées à la drogue, au terrorisme, à l’adultère, à la sorcellerie et au blasphème[8]. Ces infractions ne correspondent pas à l’image d’une femme morale que se fait la société : cette dernière se doit d’être bonne mère de famille et épouse. Cette stigmatisation de la femme se traduit par une discrimination renforcée lors des jugements qui font des femmes des sujets susceptibles d’être condamnées à mort.

Au-delà de la complète irrationalité de la condamnation à mort d’une personne ayant commis un délit ou un crime, les femmes comme les hommes subissent des conditions de détention inhumaines qui ne devraient exister en aucun cas en vertu du droit international.[9] Bien que les femmes enceintes ne puissent être exécutées selon le droit international, certaines continuent à vivre dans les couloirs de la mort après avoir accouché, dans des conditions insalubres. En Thaïlande, les femmes accouchent sans accompagnement gynécologique, seules et en prison.[10] Globalement, les besoins médicaux des femmes en détention sont complètement ignorés. Aux États-Unis comme en Indonésie, les structures cliniques et médicales sont créées pour les hommes au sein des prisons, les femmes ne bénéficiant de ce fait ni de personnels, ni de soins appropriés[11].

Les femmes, représentant une minorité dans les couloirs de la mort, sont pourtant le symbole même de l’injustice de la peine capitale au regard de ces multiples discriminations.

Il revient aux instances internationales d’intégrer la question de la situation des femmes dans les couloirs de la mort et de leur condamnation dans le mouvement abolitionniste. La condamnation à mort de ces femmes, pleinement liée aux diverses discriminations dont elles sont constamment la cible, prouve que cette dernière est à l’antinomie de la justice.


Nous déplorons l’invisibilisation de ces femmes en souffrance.
Certaines déclarent « ici, en prison, je suis déjà morte. » ou encore « nous attendons la mort. Nous n’avons plus aucun espoir. »[12]
C’est aux instances étatiques de cesser la détention inhumaine des femmes dans les couloirs par l’application effective des règles de Bangkok et de Mandela[13], notamment :

  • Règle 10-1 des règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes[14]Des services de santé spécifiques aux femmes au moins équivalents à ceux offerts à l’extérieur doivent être assurés aux détenues.”

  • Règle 28-1 de l’ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus[15]Dans les prisons pour femmes, des installations spéciales doivent être prévues pour tous les soins prénatals et postnatals nécessaires. Dans toute la mesure possible, des dispositions doivent être prises pour que l’accouchement ait lieu dans un hôpital extérieur. Si l’enfant est né en prison, l’acte de naissance ne doit pas faire mention de ce fait.”

NOTES DE BAS DE PAGE : 

[1] Rapport mondial, Condamnations à mort et exécutions 2018, Amnesty International.

[2] Ibid.

[3] Report of the Alice project, “Judged for more than her crime”, Cornell Center on death penalty worldwide.

[4] Livret du congressiste, 7ème Congrès mondial sur la peine de mort, 26 février au 1er mars 2019, Bruxelles.

[5] Report of the Alice project, “Judged for more than her crime”, Cornell Center on death penalty worldwide.

[6] “Noura Hussein, condamnée à mort pour avoir tué son violeur”, Libération, Vincent Hiribarren, 13 mars 2019,(http://libeafrica4.blogs.liberation.fr/2019/03/13/noura-hussein-condamnee-mort-pour-avoir-tue-son-violeur/)

[7] Report of the Alice project, “Judged for more than her crime”, Cornell Center on death penalty worldwide.

[8] Ibid.

[9] Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2010.

[10] Une fiche détaillée sur les conditions de détention des femmes condamnées à mort, Penal Reform International et Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, 2018.

[11] Ibid

[12] Livret du congressiste, 7ème Congrès mondial sur la peine de mort, 26 février au 1er mars 2019, Bruxelles.

[13] Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, Assemblée générale des Nations Unies, Décembre 2015.

[14] Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2010.

[15] Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, Assemblée générale des Nations Unies, Décembre 2015.

SOURCES :