En 2017, en France, 94 000 femmes majeures se sont déclarées victimes de viol et/ou de tentatives de viol.[1] Une étude réalisée par le FRA[2] révèle que dans l’Union européenne, depuis l’âge de 15 ans, une femme sur vingt a été violée[3] et qu’une femme sur trois a subi une forme de violence physique et/ou sexuelle, ce qui représente environ 9 millions de femmes.[4]

Combien sont-elles réellement à ne pas le déclarer, à ne pas porter plainte en 2019 ?

Selon l’enquête Cadre Vie et Sécurité[5] menée par l’Insee[6], seulement 24% des victimes de viol ont fait la démarche de porter plainte suite à une agression sexuelle pendant la période 2015-2017.[7] En 2018, suite à l’influence du mouvement #metoo, les plaintes ont augmenté de 17% dans un contexte de libération de la parole. Le ministère de l’Intérieur précise que cette hausse est liée à “un abaissement du seuil de tolérance à ce type de violence.”[8] Il n’en demeure pas moins que moins d’un tiers des victimes d’agressions sexuelles ont porté plainte en 2018.

Les victimes de viol sont encore largement tenues pour responsables des agressions sexuelles dont elles font l’objet. En France, il est encore possible d’entendre des blagues sur le viol à la télévision.[9] Les représentations sexistes perdurent et renforcent la culture du viol. Un sondage mené par l’Ipsos[10] en février 2019 met en lumière l’existence des mythes sur cette agression: “pour 42% des français.e.s cela atténue la responsabilité du violeur si la victime a eu une attitude provocante en public.”

La Convention d’Istanbul du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique est considérée comme le cadre juridique le plus exhaustif à ce jour en la matière. En vertu de l’article 36 de cette Convention, les signataires devraient ériger en infraction tous les actes à caractère sexuel non consentis quelle qu’en soit la forme. Bien qu’elle ait été ratifiée par plus de vingt États européens, la majorité d’entre eux, dont la France, n’a toujours pas modifié la définition juridique du viol en conséquence.

L’article 223-23 du Code pénal français définit le viol comme “tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Afin d’être en adéquation avec l’esprit de ce texte et la puissance du message sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, il revient à la France de définir explicitement ce crime comme tout “rapport sexuel sans consentement.” En ce sens, la loi dite “Schiappa” du 3 août 2018[11], a élargi la définition du viol, le caractérisant de tout acte de pénétration “de quelque nature qu’il soit” et également “commis sur la personne d’autrui.

Il s’agit maintenant de supprimer les éléments matériels qui vont caractériser l’absence de consentement; soit la suppression de “LA VIOLENCE-LA CONTRAINTE-LA MENACE-LA SURPRISE.” Ces éléments matériels constituent un obstacle à la reconnaissance de l’absence de consentement dans les cas de viol et d’agressions sexuelles. Le violeur peut s’acquitter des accusations faites en affirmant s’être mépris sur les intentions de la victime.
Les victimes de viol hésitent également à aller déposer plainte car elles appréhendent l’idée qu’on leur reproche qu’aucun de ces éléments n’est caractérisé. En effet, une victime, bien que non consentante, aura à justifier de ces éléments devant un Officier de Police Judiciaire et durant le procès. Ainsi, le consentement doit découler de mots, de gestes sans équivoque, déterminés par une attitude active durant le rapport sexuel. Sans cela, il est impératif d’établir une présomption de non consentement.

Les stéréotypes sur le viol couplés à la définition juridique inadaptée du consentement empêchent la condamnation effective de ce crime. La priorité ne réside pas dans l’allongement de la peine d’emprisonnement[12] encourue mais dans la modification de la loi sur le viol. Il en revient à la France de se plier à ses obligations en se conformant à la Convention d’Istanbul.

[1] se référer à la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, n°13 de la Mission Interministérielle pour la Protection des Femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains MIPROF de 2018 [cf. sources]

[2] Fundamental Rights Agency

[3] se référer à la publication “les Violence à l’égard des femmes: une enquête à l’échelle de l’UE- Les résultats en bref” de la European fundamental rights agency [cf. sources]

[4] Ibid

[5] se référer au Rapport d’enquête “cadre vie et sécurité”,2018 du ministère de l’intérieur, victime délinquance et sentiment d’insécurité, dans le chapitre Les violences physiques ou sexuelles hors situation de vol [cf. sources]

[6] Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

[7] se référer au Rapport d’enquête “cadre vie et sécurité”,2018 du ministère de l’intérieur, victime délinquance et sentiment d’insécurité, dans le chapitre Les violences physiques ou sexuelles hors situation de vol [cf. sources]

[8] Ibid

[9] se référer à l’article “Dans TPMP, Jean-Marie Bigard raconte une blague sur le viol et choque”, d’Huffingtonpost.fr, [cf. sources]

[10] se référer à l’Enquête auprès des français et les Représentations sur le viol, mémoire traumatique et victimologie d’ipsos de février 2019 [cf. sources]

[11] Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, publiée au Journal Officiel le 5 août 2018.

[12] L’auteur d’un viol encourt 15 ans de prison, 20 ans de prison maximum pour circonstances aggravantes et 30 ans de prison si le viol a mené au décès de la victime.

Sources :